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Secteur du bâtiment et crise climatique: l'enjeu majeur suisse.

Publication: 04.09.2024 | Modifé: 07.09.2024 | Auteur: Thibault Paquier

Pourquoi le parc immobilier suisse est-il crucial pour le climat ?

Le 21 juillet puis le 22 juillet 2024, la Terre a battu deux fois consécutivement son record de température moyenne, atteignant 17,15 degrés Celsius, dépassant ainsi de 7 centièmes son précédent record établi une année plus tôt. Nous le constatons depuis longtemps, mais le dérèglement climatique évolue rapidement et nous laisse de moins en moins de marge de manœuvre pour inverser la tendance. Il est évident que plusieurs secteurs sont sous le feu des projecteurs et doivent impérativement effectuer des changements fondamentaux dans leur manière de fonctionner, afin de respecter les engagements de l’Accord de Paris sur le climat, ratifiés par la Suisse. Responsable de 22,6 % des émissions de gaz à effet de serre en Suisse, le secteur du bâtiment est le troisième plus grand contributeur, derrière le transport et l’industrie. En termes d’énergie, le parc immobilier représente 40 % de la consommation d’énergie finale du pays, soit environ 90 TWh. Dans cet article, nous allons voir comment ce secteur s’est nettement amélioré depuis les années 1990 et le chemin qu’il lui reste à parcourir pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Nous aborderons les thématiques clés que sont l’efficacité énergétique des bâtiments, les matériaux bas carbone, la biodiversité et l’intégration sociale dans l’élaboration des projets. Finalement, nous parlerons sobriété et des bonnes pratiques à adopter pour les locataires et propriétaires, avant de nous demander si le cadre légal suisse suffit à lui-même.

©Paquier Poulpe Production

L’évolution du secteur depuis 1990

En 2024, le secteur du bâtiment est responsable de plus de 22 % des émissions de gaz à effet de serre du territoire helvétique, ce qui le place sur la troisième marche du podium des secteurs les plus polluants du pays (1). D’après une étude menée par l’Office fédéral de la statistique, le chauffage est le principal fautif, puisque environ 60 % des bâtiments consomment encore des combustibles fossiles (mazout et gaz) (2). Pour la première fois de l'histoire, des mesures contraignantes sont mises en place pour garantir une protection du climat planétaire et coordonnée à l'échelle internationale, via la Convention-cadre sur les changements climatiques (1992) et le Protocole de Kyoto (1997). Ce dernier, ratifié en 1997 par 192 pays dont la Suisse, a pour objectif de diminuer les émissions de gaz à effet de serres (3).

Sous cette influence, durant la période 1990-2022, pourtant, le parc immobilier a connu une diminution de 36 % de ses émissions, grâce à deux changements notables. Le premier a été de mieux isoler les bâtiments, grâce à l’apparition de nouvelles normes SIA et des labels plus exigeants tels que Minergie© pour les nouvelles constructions et les rénovations d’anciens bâtiments. Le deuxième changement a consisté à remplacer progressivement les chaudières à mazout par des chaudières à gaz — bien que toujours fossile, ce combustible émet 30 % de CO2 en moins que le mazout —, ou par des pompes à chaleur, des chaudières à bois ou des systèmes de chauffage à distance.

Horizon 2030, puis 2050

Malheureusement, cette nette diminution des émissions sur cette période n’est pas suffisante et ne nous permettra de remplir que 70 % des objectifs de l’Accord de Paris si nous continuons à ce rythme-là (4). Afin d’atteindre les objectifs climatiques pour 2030, le Conseil fédéral a adopté, le 16 septembre 2022, la révision de la loi sur le CO2 pour la période 2025-2030, afin de réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre. Plus de la moitié du budget total, soit 2,8 milliards de francs, sera allouée à des mesures pour les bâtiments (5). Depuis 2019, et sur la base du rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le Conseil fédéral s’est fixé la neutralité carbone d’ici à 2050. Cet objectif est l’objet de la loi sur le climat et l’innovation, votée et acceptée en 2023, ancrant ainsi cette neutralité dans la loi suisse (6). De plus, selon la stratégie énergétique 2050, la consommation d’énergie du secteur du bâtiment doit passer de 90 TWh aujourd’hui à 65 TWh d’ici 2050 (7). Ainsi, la trajectoire est claire : diminuer la consommation énergétique du parc immobilier en gagnant en efficacité énergétique.

Finalement, l'adoption des différentes lois et des objectifs fixés pour 2050 à l'échelle nationale est réglementée et encouragée par les cantons et les communes, en accord avec la loi sur l'énergie. Ainsi, chaque canton avance à un rythme différent dans la mise en œuvre de ces mesures, avec des stratégies qui varient d'une région à l'autre. Par exemple, le canton de Vaud applique la norme SIA 380/1 édition 2012, tandis que le canton de Fribourg utilise la version 2016 de cette même norme.

©Paquier Poulpe Production

Les solutions

La bonne nouvelle, c’est que nous connaissons la direction à emprunter pour atteindre à 100 % les objectifs de l’Accord de Paris et parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050. La première chose à faire, c’est de continuer à améliorer l’efficacité énergétique de nos bâtiments, notamment d'un point de vue technique (chauffage, ventilation) et de l’enveloppe du bâtiment (isolation, fenêtres, toiture). Pour ce faire, nous devons d’une part poursuivre et accélérer les changements introduits depuis les années 1990, c’est-à-dire remplacer les chaudières à combustibles fossiles - mazout et gaz - par des solutions renouvelables. D’autre part, nous devons utiliser des stratégies et des technologies efficaces pour les systèmes de ventilation et d’isolation. Aussi, il sera essentiel d’acquérir une transparence complète sur les matériaux utilisés pour la construction de nouveaux bâtiments et, surtout, d’utiliser de plus en plus des matériaux à faible intensité carbone, afin de limiter l’utilisation du béton et de l’acier, particulièrement polluants. De plus, les questions liées à la protection/promotion de la biodiversité et à l’intégration sociale lors de l’élaboration des projets de construction sont des thématiques capitales pour répondre de manière résiliente et inclusive à la crise climatique. Des articles futurs reviendront en détail sur chacune de ces solutions, expliquant leurs enjeux et leurs impacts respectifs.

Pour rappel, Frilow vous accompagne gratuitement pour vous guider vers l'option de chauffage la plus appropriée pour votre bâtiment, tout en effectuant également une analyse des subventions, de la rentabilité et de l'amortissement de ce dernier, n'hésitez pas à nous contacter pour en savoir plus ! Finalement, il est important de garder en tête que vous pouvez bénéficier des subventions cantonales, voire communales, afin de vous aider financièrement à assainir votre bâtiment. Des prochains articles détailleront les subventions du canton de Fribourg, ainsi que celles des canton francophones.

Les bonnes pratiques

Selon la stratégie énergétique 2050, la consommation énergétique du parc devra diminuer de 90 à 65 TWh d’ici à 2025. Pour ce faire, nous devons miser à la fois sur les solutions décrites ci-dessus, et influencer les comportements individuels, afin de diminuer la demande en énergie. La sobriété, définie dans le 6e rapport du GIEC comme « un ensemble de mesures et de pratiques quotidiennes qui permettent d’éviter la demande d’énergie, de matériaux, de terres et d’eau tout en assurant le bien-être de tous les êtres humains dans les limites de la planète » (8), est ainsi devenue une nécessité pour atténuer la crise climatique. Du point de vue des locataires et des propriétaires, il existe donc un tas de gestes et d’habitudes à adopter au quotidien pour réduire sa consommation d’énergie. Cerise sur le gâteau, ces actions permettent en plus d’économiser de l’argent à court et long terme, par exemple en réduisant la température des pièces ou en réglant correctement son chauffage. Un prochain article reviendra sur ces bonnes pratiques à adopter et leurs différents impacts pour vous et le climat !

©OpenClipart-Vectors & ©Paquier Poulpe Production

Conclusion

Troisième secteur suisse le plus polluant en termes d’émissions de gaz à effet de serre et responsable de presque la moitié de la consommation d’énergie en Suisse, le secteur du bâtiment doit se transformer en profondeur pour répondre aux enjeux climatiques d’ici à 2050. La tendance du secteur depuis 1990 indique que nous sommes sur la bonne voie, bien que nous devions redoubler d’efforts afin d'atteindre les objectifs fixés par la Confédération pour 2030 et 2050. Les stratégies et technologies permettant de gagner en efficacité énergétique ont un rôle majeur à jouer à cet effet, tout comme le choix des matériaux utilisés dans le bâtiment. De plus, les questions autour de la protection et de la promotion de la biodiversité, ainsi que les questions d’intégration sociale dans l’élaboration des projets de construction, permettent d’inclure une approche résiliente et inclusive face à la crise climatique. Finalement, comme pour chaque secteur, la sobriété sera un facteur fondamental pour réduire la demande en énergie, et les bonnes pratiques adoptées par les propriétaires et les locataires seront non négligeables. En apparence, le secteur du bâtiment a donc toutes les cartes en main pour faire sa mue et répondre aux objectifs de la Suisse d’ici à 2050, pourtant des interrogations subsistent. Les subventions sont-elles assez fortes pour inciter tous les propriétaires à rénover leur bâtiment ? Les matériaux bas carbone peuvent-ils être la panacée pour remplacer le béton et l’acier ? Le cadre légal suisse suffit-il pour atteindre les objectifs de 2050 ?

Références