Publication: 10.10.2024 | Modifié: 10.10.24 | Auteur: Thibault Paquier
économiseur d'énergie
Le rôle des matériaux bas carbones
Publication: 10.10.2024 | Modifié: 10.10.24 | Auteur: Thibault Paquier
Le secteur du bâtiment et de la construction joue un rôle majeur dans le changement climatique mondial, représentant environ 21 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. En 2022, les bâtiments étaient responsables de 34 % de la demande énergétique mondiale et de 37 % des émissions de CO₂ (40 % et 22,6 % en Suisse). Ces chiffres s’expliquent principalement par l’utilisation massive de matériaux comme le béton et l’acier, dont la production engendre une part considérable des émissions globales de carbone. Par exemple, la production de béton est responsable de 7,5 % des émissions mondiales, principalement en raison du ciment, son composant clé. Pour répondre à cette problématique, les matériaux bas carbone offrent une alternative essentielle. Ces matériaux se distinguent par des critères spécifiques, notamment des émissions de CO₂ réduites à chaque étape de leur cycle de vie, évaluées via l’Analyse du Cycle de Vie (ACV). Leur faible énergie grise témoigne d’une production et d’un transport moins énergivores, souvent axés sur des sources renouvelables. De plus, ils intègrent des contenus recyclés et sont conçus pour être facilement recyclables, contribuant à une économie circulaire. Leur durabilité accrue réduit les besoins en remplacement, tandis que leur provenance locale limite les émissions liées au transport. En Suisse, comme ailleurs, l’adoption de ces matériaux est cruciale pour atténuer les impacts environnementaux et progresser vers la neutralité carbone.
Dans cet article, nous aborderons l’impact du béton dans le secteur de la construction en Suisse ainsi que l’urgence de transformer ce secteur pour adopter des solutions bas carbone. Nous présenterons ensuite ces solutions en analysant leurs avantages et inconvénients respectifs.
La consommation de béton en Suisse est de 1,3 m³ par an et par personne, soit plus du double de la moyenne européenne et mondiale (1). Visuellement, cela équivaut à une augmentation de 9 mm de la surface du pays. Le ciment, composant principal du béton, est le principal responsable de son empreinte carbone. Selon un article de la revue Nature, une construction neuve génère en moyenne près de 100 kg de CO2 par m² de ciment, avec plus de 50 % de ces émissions imputables à la construction et à la maintenance du bâtiment. Les armatures en acier et le béton eux-mêmes contribuent à 50 % des émissions de ce secteur. Cela n’est pas surprenant puisque 65 % des émissions liées à la production de 1 m³ de béton proviennent de la production du ciment (2). En Suisse, le béton, qui représentait 82,3 % de la part du marché de la construction en 2019 (3), reste un élément central. Toutefois, son impact carbone est incompatible avec les objectifs climatiques pour 2050.
En plus de cet impact carbone massif, se posent les problèmes d’extraction et de conflits d’usage. Les composants du béton, tels que le calcaire et l’argile, sont des ressources naturelles qui s’épuiseront si leur extraction continue à ce rythme effréné. Plus la construction s’intensifie, plus nous accélérons la raréfaction des ressources des gravières suisses. L’exploitation des terres des gravières, qu’elles soient actuelles, anciennes ou futures, conduit également à des conflits d’usage et à des impacts importants sur la biodiversité.
L’importance des matériaux bas carbone dans la construction ne peut plus être sous-estimée. Comme mentionné précédemment, le béton et l’acier, omniprésents dans ce secteur, sont responsables d’une grande part des émissions de gaz à effet de serre. La transition vers des matériaux bas carbone est donc essentielle pour relever les défis environnementaux et climatiques actuels. Des matériaux comme le bois, les bétons recyclés, ou encore la terre crue offrent des solutions bien plus respectueuses de l’environnement. En plus de réduire les émissions de CO2, ces matériaux contribuent à la préservation des ressources naturelles tout en limitant les impacts négatifs sur la biodiversité. Leur adoption est indispensable pour atteindre les objectifs climatiques à long terme, bien que ces solutions ne soient pas parfaites en soi. Chaque matériau présente ses avantages et ses limites, mais ils représentent une voie nécessaire pour une construction plus durable.
L’impact environnemental du béton réside principalement dans la production du ciment, car il est nécessaire de cuire à très haute température — environ 1450°C — du calcaire et de l’argile pour produire le clinker, un composant clé du ciment (4). Cependant, plusieurs stratégies permettent de réduire cet impact sans renoncer entièrement à l’utilisation du béton, qui reste l’un des meilleurs matériaux pour les structures et fondations. Le béton n’est certes pas une solution miracle, mais face à l’urgence climatique, il est primordial d’avancer dans la bonne direction.
L’une des principales pistes consiste à diminuer la proportion de ciment dans le béton en intégrant des ajouts cimentaires pouzzolaniques (comme les fumées de silice, les cendres volantes, les laitiers de haut fourneau ou la poudre de verre recyclée). Ces ajouts réduisent la quantité de clinker nécessaire, et donc les émissions associées, tout en préservant les performances mécaniques du matériau. En intégrant ces ajouts, on pourrait réduire l’empreinte carbone du béton d’environ 20 %. Par ailleurs, toute la chaîne de production du béton, de la conception à son utilisation sur les chantiers, peut être optimisée. Par exemple, la quantité de ciment utilisée pour des résistances similaires varie d’un producteur à l’autre. Une meilleure coordination entre les acteurs permettrait de réduire jusqu’à 30 % l’utilisation de ciment, en ajustant précisément les quantités en fonction des besoins réels des ouvrages (5).
Les politiques incitatives jouent également un rôle crucial dans l’adoption des bétons bas-carbone. Le coût plus élevé et les délais de mise en œuvre prolongés constituent souvent des obstacles pour les constructeurs, contraints par des impératifs économiques. Il devient donc indispensable de mettre en place des mécanismes de compensation afin de récompenser les acteurs qui privilégient ces matériaux plus respectueux de l’environnement.
Enfin, des innovations telles que le LC3 (6), un ciment développé par l’EPFL qui réduit considérablement la part de clinker, ou des techniques comme l’impression 3D de béton, offrent la promesse de capter davantage de CO2 durant le cycle de vie des bâtiments. Bien que le béton ne puisse être complètement remplacé à court terme, il est possible de réduire significativement son impact environnemental tout en continuant à explorer des alternatives plus durables à long terme.
Le bois, en tant que matériau de construction, occupe une place centrale dans les initiatives visant à réduire l’empreinte carbone des bâtiments. Contrairement à des matériaux comme le béton ou l’acier, le bois est une ressource renouvelable qui, lorsqu’elle est exploitée de manière durable, contribue activement à la séquestration du carbone. En effet, les arbres captent du CO2 au cours de leur croissance, et ce carbone reste stocké dans les constructions en bois tout au long de leur durée de vie. Selon Carbone 4, l’utilisation du bois dans le secteur de la construction peut diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 60 % par rapport à des matériaux conventionnels (7).
En plus de cet avantage environnemental, le bois possède d’excellentes propriétés mécaniques. Il est léger tout en étant suffisamment résistant pour être utilisé dans des constructions variées, allant des maisons individuelles aux grands bâtiments. Il offre également de bonnes performances en termes d’isolation thermique et acoustique, ce qui permet de réduire les besoins en isolation et en chauffage. Toutefois, pour optimiser ses bénéfices écologiques, il est crucial de garantir que le bois utilisé provient de forêts gérées de manière responsable. Des certifications telles que FSC ou PEFC permettent de s’assurer que la production de bois ne contribue pas à la déforestation et respecte les écosystèmes (8).
Ainsi, le bois représente une alternative prometteuse pour la construction bas-carbone, combinant durabilité, performances techniques et stockage de carbone, tout en facilitant la transition vers des bâtiments plus respectueux de l’environnement.
En plus des certifications Minergie, Minergie-A, ou Minergie-P (dont nous avons parlé dans cet article), vous pouvez opter pour la certification ECO, gérée conjointement par Minergie et Ecobau, pour des bâtiments plus sains et écologiques. Avec la certification ECO, vous êtes assuré d’utiliser des matériaux de construction respectueux de l’environnement et de la santé, garantissant ainsi un intérieur de haute qualité. Les aménagements sont conçus pour être flexibles et réutilisables, minimisant les déchets. De plus, les émissions de gaz à effet de serre générées lors de la construction sont réduites au maximum, faisant du bâtiment une solution respectueuse du climat, en adéquation avec les exigences du label Minergie (9).
Parmi les huit critères de la certification ECO, le cinquième concerne le concept du bâtiment et l’économie circulaire. Il stipule que « le réemploi et la capacité de déconstruction des éléments de construction doivent être démontrés, par exemple en évitant les revêtements en résine synthétique et les matériaux composites organo-minéraux. L’utilisation majoritaire de béton recyclé est imposée » (9).
Ecobau propose également des fiches techniques sur les matériaux de construction et les procédés de mise en œuvre écologiques et sains, structurées selon le Code des frais de construction (CFC) (10). Il existe également une liste d’ecoProduits, permettant de vérifier si un produit est conforme, approprié, ou très approprié pour obtenir le label Minergie-ECO (11).
Enfin, les bâtiments certifiés Minergie-ECO peuvent bénéficier de conditions de financement avantageuses, notamment via des hypothèques plus favorables. Ils sont également plus faciles à louer ou à vendre, tout en étant alignés avec les objectifs climatiques de la Confédération, et représentent un exemple à suivre.
En conclusion, il est crucial que le secteur de la construction évolue rapidement vers des solutions bas carbone pour répondre aux défis environnementaux actuels. Alors que des matériaux comme le béton et l’acier continuent de dominer, leur impact sur les émissions de CO2 est considérable, freinant les objectifs de neutralité carbone. Des solutions existent, comme l’utilisation de bois, de béton recyclé ou de nouvelles innovations dans le béton bas carbone, permettant de réduire significativement ces émissions. Le soutien des politiques publiques et l’adoption de normes telles que Minergie-ECO sont des leviers importants pour encourager ces pratiques. Adopter une approche circulaire, minimisant la consommation de ressources naturelles tout en maximisant la réutilisation, est essentiel pour préserver la biodiversité et s’orienter vers une société « zéro net ». C’est en combinant ces efforts que l’industrie du bâtiment pourra devenir un véritable acteur de la transition écologique, tout en garantissant des espaces de vie plus durables et respectueux de l’environnement.
1) https://ermco.eu/wp-content/uploads/2022/10/ERMCO-Statistics-Report-2019-July-2020-FINAL.pdf
3) https://alt.fskb.ch/wp-content/uploads/2021/05/SBV_Studie_Materialvolumen_2021_210x297mm_FR-web.pdf
4) bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/dechets/info-specialistes/procedes-d-elimination/cimenteries.html
5) https://www.espazium.ch/fr/actualites/diviser-par-deux-limpact-environnemental-du-beton
6) https://actu.epfl.ch/news/l-avenir-de-la-construction-avec-un-ciment-durab-2/
7) https://www.carbone4.com/sauver-le-climat-avec-nos-forets-la-construction-touche-du-bois-2
8) https://www.natura-sciences.com/agir/fsc-pefc-durable689.html
9) https://www.minergie.ch/fr/standards/nouvelle-construction/eco/
10) https://www.ecobau.ch/resources/uploads/eco-bkp/ecoBKP_2023/ecoCFC_2023.pdf